EPISODE 4
BOLIVIA
Avant de venir, nous avions beaucoup entendu parler de son insécurité, de sa pauvreté, de sa malbouffe, et de la relative froideur des gens. Et puis, au fil des rencontres, sont apparus la beauté à couper le souffle des paysages, l’authenticité des villes et des habitants, le plaisir des prix tous petits …
Finalement, notre opinion : LE pays à visiter en Amérique du Sud !
Pays le plus pauvre du continent, la Bolivie a beaucoup à offrir ; entre plaines immenses, sommets enneigés, treks multiples et même jungle tropicale, les amoureux de la nature sont servis. Et les autres aussi ! On trouve tout, ici. Les supermarchés sont mieux achalandés qu’en Argentine ou au Chili (bon sauf pour le Nutella au grand désespoir de Tim…), les marchés sont grandioses, les villes regorgent de bâtiments coloniaux et de musées, et la bouffe…est délicieuse !
Un exemple d’almuerzo, menu de midi à moins de deux euros :
- Soupe : crème de poulet ou d’asperge
- Truite, poulet ou porc avec frites, pomme de terre au four ou riz
- Petit jus de fruit
C’est trop bon ! Et quand on en a marre de manger « local », on va dans des restos à touristes, où deux plats, deux cocktails et deux desserts nous coûtent…15 euros !
Quant aux habitants, ils sont certes moins exubérants qu’en Argentine par exemple, mais ils sont globalement très sympathiques et surtout encore complètement ancrés dans leur culture.
Pratiquement toutes les femmes de plus de 50 ans -et même certaines jeunes- portent la tenue traditionnelle de Chola : jupe à froufrou très large, collants en laine dans des sandales, châle, carré de tissu coloré noué dans le dos en guise de sac (pouvant contenir de lourdes charges / un enfant / un magasin), et surtout chapeau melon sur de longues tresses terminées par des pompons.
La première fois qu’on les a vues, lors du tour du Salar d’Uyuni, nous avons pensé qu’elles se déguisaient pour les touristes. Mais en fait pas du tout, c’est leur tenue habituelle !
L’ambiance bolivienne nous a gagnés dans le bus : aussi pourri dedans que dehors, sur une route défoncée, sans lumière (la nuit tombe à 7h ici), mais avec beaucoup d’animation ! Toutes les Cholas piaillaient dans le noir, emmitouflées dans leurs châles, et les hommes braillaient au téléphone.
Nous sommes arrivés au milieu de la nuit à Potosi, et avons gagné l’hostel que nous avions heureusement réservé avant de partir.
Hendric et Antje étaient dans un dortoir, Tim, Sterenn et moi dans un autre.
Et nous avons eu le coup de cœur ! Beau bâtiment, salle de bain privée, WIFI qui marche, et surtout petit dèj’ délicieux : œufs brouillés, fruits, pain, beurre et confiture… Mais quel pain ! Comme en France, croustillant, goûteux, frais, du bonheur !
Le tout évidement pour 35 Bolivianos, 4 euros.
Satisfaits de ce premier hébergement bolivien, nous sommes partis explorer la ville.
Potosi est située à 4070 m d’altitude, et elle est surplombée par une imposante montagne, qui contient les mines d’argent. Et il faut vraiment visiter les mines pour ressentir le poids qu’exerce cette montagne sur la cité.
Longtemps Potosi a été la ville la plus prospère d’Amérique du Sud, comme en témoignent encore ses magnifiques bâtiments et églises ; actuellement les mines ne contiennent plus que de la poudre d’argent, et la pauvreté des mineurs fait peur.
Nous avons décidé de visiter les mines tous les 5, après avoir réfléchi si nous nous en sentions capables. D’abord, il faut signer une décharge pour signaler que nous sommes conscients des risques et que nous savons qu’il peut y avoir des accidents. Et puis nous étions un peu mal à l’aise de l’expérience « zoo » -je te regarde en train de faire un travail horrible mais je te donne des sous-.
Finalement nous nous sommes décidés :
. Première étape : équipement, avec pantalon, veste, bottes, casque et frontale.
Avec Hendrick, Antje, Sterenn, et une autre téméraire visiteuse de mine.
. Deuxième étape : marché ; le guide, un ancien mineur, nous montre comment fonctionne la dynamite et nous explique le matériel utilisé. Nous achetons des « présents » aux mineurs, et notamment de l’alcool.
A 96 degrés…
Le guide nous a dit qu’un mineur pouvait en boire un demi-litre pur par jour ; nous on a essayé un bouchon, c’était ignoble.
Buen gusto qu'ils disent, c'est FAUX !
. Troisième étape : la mine.
Il y avait deux guides, un anglophone, avec qui est partie la majorité du groupe de touristes, et un hispanophone, avec lequel nous sommes restés, Tim, Sterenn, un autre français, et moi.
Je faisais grave la maligne avant d'y aller !
Le premier groupe est entré, et nous avons patienté dehors pendant que le guide nous expliquait le fonctionnement de la mine.
Et surtout, nous avons rencontré les premiers mineurs, des hommes jeunes, abîmés, abrutis par le travail et défoncés : pour tenir le coup, ils mâchent des feuilles de coca toute la journée, et boivent leur alcool à brûler. Avant chaque gorgée, ils versent quelques gouttes sur le sol en hommage à Pachamama, la Terre Mère, qui leur fournit le métal, et est aussi responsable de la mort de beaucoup d'entre eux.
Il y a encore 15 000 hommes sous terre tous les jours, et le plus jeune garçon a 12 ans, c’est hallucinant.
Nous sommes entrés à notre tour, un boyau assez large et aéré, avec des rails au sol.
Mais nous n’avons presque pas progressé pendant une heure : nous avancions un peu, et puis le guide criait « tren », et nous courions dans l’autre sens pour nous mettre à l’abri dans une niche pendant qu’un wagon, lancé à toute allure, traversait le boyau. Et c’est très rustique, si on ne se poussait pas, on se faisait écraser…
Bref on a du coup beaucoup discuté avec le guide, qui nous a dit que le tourisme représentait un gain de 2 mois de travail pour les mineurs, reversé sous forme alimentaire à leurs familles.
Ça nous a donné bonne conscience…
Oh les jolies couleurs des dépôts bien toxiques sur les murs !
Enfin nous avons avancé, en courant presque pour passer entre deux wagons. Et on ne s’est pas sentis très bien, boyau plus petit, manque d’air, augmentation de la température et apparition de vapeurs ultra toxiques…
J’ai même failli sortir, je me suis vue mourir dans cette mine ! Heureusement le guide m’a rassurée en me disant qu’il ne nous emmenait que dans des portions correctement aérées et près des sorties (je n’ose pas imaginer les autres) et que je ne risquais rien.
Nous avons rampé dans des boyaux pour voir les niveaux inférieurs, où les hommes pellettent des tonnes de pierres qu’ils treuillent jusqu’aux niveaux supérieurs, où les wagons les récupèrent. Tim a aidé à pelleter, et en 5 minutes il était en nage.
Eux font ça toute leur vie.
Puis on est ressortis, et on s’est dit que plus jamais, on ne mettrait les pieds dans une mine !
. Quatrième étape : l’extraction d’argent.
Les wagons sont répartis dans tout un tas de machines qui pulvérisent les pierres, puis balancent plein de produits chimiques pour séparer l’argent du reste.
Ils obtiennent de l’argent pur à 70 %.
Cette expérience a été vraiment très dérangeante.
Le temps froid et humide et cette « pesanteur » des mines nous ont fait quitter Potosi rapidement pour Sucre, ancienne ville coloniale réputée pour sa très belle architecture. Évidemment le bus qui nous emmenait est tombé en panne (ça faisait longtemps), heureusement on était tout près du terminal et on a pu prendre un taxi !
La ville et ses alentours n’offrent que peu d’intérêt, à part l'architecture et les marchés, mais nous avons profité du parc pour initier Sterenn à a slack, et elle s’est révélée très douée !
En haut, Tim se la régale au musée (bis)...et je progresse en slack !
En bas, déjeuner au marché accompagné par un spécialiste de flûte hero :)
Tim espérait aussi pêcher, et nous sommes partis vers un petit village où on était censés trouver du poisson, Yotala. On a pris un combi (mini van) local, plein de Cholas et de leurs petits, et Tim a eu un succès fou en distribuant des chips saveur citron que l’on trouvait immondes !
Arrivés dans le bled, pas de rivière, mais une jolie place centrale avec des arbres. Ni une, ni deux, on a tendu la slack. Et la dizaine d’enfants qui nous regardait de loin au début a ensuite pris la sangle d’assaut ! Sterenn, qui est prof de graphisme mais également animatrice de colo, a organisé des challenges : les petits étaient aux anges !
Ils ont été très déçus quand on est partis, mais on a passé un superbe après-midi.
Ils sont pas en place ces petits ??
Nous attendait ensuite l’épreuve du bus pour La Paz, 15 heures de trajet.
En achetant les billets, nous avons bien demandé s’il y avait des toilettes à bord.
« Mais oui, bien sûr ! ». Il n’y en avait pas !
Le bus était surchauffé, plein de gens puaient, et un bébé a hurlé deux ou trois heures avant de se calmer, Tim a failli péter les plombs !
On a fait deux pauses en 15 heures ; la première, une demi-seconde pour faire pipi, le bus roulait quand on est remontés dedans. La deuxième, improbable, à 3 h du mat’, pour manger ! Le bouiboui et les étranges fromages proposés ne nous ont bizarrement pas tentés…
Au matin nous sommes arrivés à La Paz, impressionnante concentration de maisons de briques rouges enclavées dans une vallée entre de magnifiques montagnes. La vue d’en haut est vraiment inoubliable ! La ville est quand même située à 3660m, et à cette altitude, monter un étage c’est épuisant !
Nous avons trouvé un hôtel sympa (hôtel La Valle), et surtout calme, loin des hostels remplis de jeunes venus pour boire la nuit et dormir le jour (un petit goût d’Argentine oui, oui).
Le premier jour, nous avons un peu visité ; le quartier touristique est très sympa, petite rues en pente, magasins d’artisanat à tous les coins de rue, Cholas et leurs produits à vendre installées sur les trottoirs… Et en fin d’après-midi, nous avons pris un taxi pour admirer la vue depuis le quartier d’El Alto, le quartier le plus haut de la ville. Toujours aussi fantastique, avec les montagnes Huayna Potosi et Illimani en arrière-plan !
Nous avons ensuite un peu erré, et nous sommes tombés sur le quartier des « sorcières », une rue bordée d’échoppes où l’on règle tout : problèmes d’argent, de couple ou de santé.
Et pour cela une multitude de petit feux brûlent, et les ingrédients utilisés, en plus de traditionnelles herbes et racines, sont les fœtus de lamas, très glauque !
Nous sommes vite repartis vers nos quartiers, de peur de se faire jeter un sort !
Les boliviens font la fête pour un rien, les pétards et feux d’artifices éclatent dans tous les sens, et surtout…ils aiment picoler ! Mais ils ne tiennent pas bien l’alcool : à 22h, il y a des déchets humains partout en train de se vomir dessus ou de faire pipi au milieu de la route, original.
Sterenn hésitait ensuite à partir vers Copacabana, avant de rentrer en Argentine, mais Tim l’a convaincue de rester avec nous pour faire un trek de trois jours, le trek Choro.
« Allez les filles, il est facile ce trek, c’est que de la descente ! ».
Seul problème, Sterenn n’était pas équipée pour marcher (elle avait initialement prévu de rester à Buenos Aires), et elle a dû louer du matos. Et c’est là que ça s’est gâté ! Nous avions prévu de passer au magasin de loc’ vers 9h avec nos sacs, et de partir dans la foulée commencer le trek.
Et ben à 9h, le magasin de loc’ était fermé.
Et à 10h aussi ! Des gens essayaient d’appeler la tenante, en vain…
On a fini par trouver une autre agence qui louait du matériel, mais au final, Sterenn s’est retrouvée avec une veste et un pantalon d’alpinisme des années 20 (ambiance Marios Bros), des chaussures d’alpi’ également, trop grandes de 2 pointures, et un duvet -18 degrés en synthétique tellement énorme qu’il prenait plus de la moitié de son sac !
Elle a gardé la motiv’ malgré tout, et on est partis -bien tard- pour le départ du trek. Dans la bataille Tim a oublié le lonely de la Bolivie sur le tableau de bord d’un taxi, et on a fait la fin du chemin debout dans un bus moisi qui n’avançait pas et qui puait !
Heureusement au début du trek, les paysages étaient magnifiques. Départ à 4725m, petite montée difficile à 4859m, et normalement…descente seulement jusqu’au bout, sur 70km.
En fait il y avait AUSSI quelques montées bien bien raides !
La première journée, courte, est splendide : nous sommes sur l’Altiplano, entre montagnes arides et vallées humides pleines de lamas en train de brouter. Le chemin est complètement pavé ; c‘était une ancienne route Inca pour amener l’or vers les empereurs à Cuzco, au Pérou.
Avec le temps humide, ça a commencé à se corser pour notre bretonne lyonnaise : dur de marcher avec des godasses ultra rigides et trop grandes, les premières ampoules ont fait leur apparition.
On a fini par s’arrêter un peu avant le camp prévu, dans un superbe site au bord de l’eau. Et quand même, on était super bien calés !
Le deuxième jour, c’est devenu la torture pour Sterenn : ses chaussures lui faisaient horriblement mal, et, comme nous sommes progressivement passés de la montagne à la jungle, ses fringues d’alpi’ n’étaient pas du tout adaptées.
Elle s’est bien battue, mais au milieu de la (longue) journée, elle a craqué. Et heureusement qu’elle avait emporté ses fidèles Stan Smith, qui lui ont sauvé la vie ! Elle a marché à toute berzingue après avoir changé de chaussures, et nous avons campé le soir dans le jardin d’une petite maison au milieu du chemin.
Entre temps on avait quand même traversé un pont digne d’Indiana Jones : les planches pendaient lamentablement, et il y avait même un trou de 3m, à franchir sur un tronc. Le pont était bien à 10m du sol, j’ai eu légèrement la trouille !
Ta ta ta taaaaaa (il me manque un peu d'assurance, le chapeau et le fouet pour faire comme Indie !)
C’est assez fou d’arriver chez des gens qui habitent à minimum un jour de marche du village le plus proche. Ils ont souvent des enfants, quelques poules, quelques cultures, et du Coca pour ravitailler les marcheurs (ils sont très très forts à la Coca-Cola Company).
Très étrange d’imaginer la vie de ces gens, perdus au milieu de nulle part !
On s’est fait pleuvoir dessus toute la nuit, et le lendemain on était un peu moroses : marcher dans la jungle humide sans aucune visibilité, avec cette interminable descente qui ruine les genoux, c’était pas la folie.
Du coup on a tracé - au passage on est passés devant les anciennes mines d’or, encore plus cauchemardesques que celles de Potosi - et on est arrivés en fin de matinée à Chairo, 3250m plus bas, fin du trek !
On est allés se reposer à Coroico, une ville perchée au milieu de la jungle, avant de regagner La Paz.
Et Tim en avait bien besoin ! Patraque depuis quelques jours et KO depuis le matin, il avait en fait 39 de fièvre et une sinusite carabinée.
Petit dèj' sur la terrasse de l'hôtel, à Coroico.
La route de Coroico à La Paz est toute neuve (mais déjà bien abîmée), et impressionnante : au bord du vide tout le long, pour remonter vers l’Altiplano. Elle remplace l’ancienne route, appelée la « route de la mort », une piste de terre où les poids lourds avaient du mal à se croiser et qui est bordée de petites tombes. Actuellement ce chemin est réservé aux touristes à vélo en manque d’adrénaline !
A La Paz, nous avons retrouvé notre hôtel avec plaisir, et nous avons préparé avec Sterenn l’anniversaire de Tim pendant qu’il se reposait : un gâteau, des bougies, et même des cadeaux ! Elle lui a offert son guide en remplacement de celui oublié dans le taxi. Très cool de sa part !
Le pot du départ avec le cocktail "bolivian flag" (plus beau que bon), et en bas pour le petit dèj' le feliz compleaños du gaucho.
Et puis le soir, elle a pris un bus pour repartir vers l’Argentine, trajet qui promettait d’être horrible : des heures sans toilettes, et sans pause !
Nous, on était dépités de son départ, après plus de 15 jours géniaux passés ensemble, et on est allés boire un verre pour oublier. On a découvert Oliver’s travel, sorte de pub anglais qui bien sûr vendait de la bière, mais aussi faisait de super cocktails, et de supers plats. C’est un peu devenu notre QG.
Après les choses sérieuses ont commencé. En Bolivie, il y a des sommets de fou, et les prix des expéditions sont dérisoires par rapport à la France. Malheureusement nous sommes dans la mauvaise saison.
Ici il n’y a pas d’hiver ou d’été, mais plutôt une saison sèche et une saison humide. Pendant cette dernière, seuls quelques sommets sont accessibles ; les autres croulent sous la neige.
Nous avons décidé de commencer par le plus habituel, le sommet Huayna Potosi (6088m tout de même !). Après avoir prospecté dans plusieurs agences, nous avons choisi Aka Pacha. Très mauvais choix…
Le matin du départ, nous avons essayé le matériel (qui datait de Mathusalem), et nous avons rencontré notre guide, « Super Mario ». On s’est dit « cool, c’est le guide qu’avait notre copain Tib l’année dernière pour gravir le Sajama, un autre sommet ! ». Bon en fait on ne se souvenait plus bien de ce que Tib avait dit du guide !
Après un peu plus d’une heure de voiture, nous sommes arrivés au campo base, le refuge du bas. Un bâtiment simple avec dortoir à l’étage. Et WC à l’extérieur, dans une petite cahute à 50m. Ça a son importance pour la suite…
Sur le chemin vers le refuge.
L’après-midi, acclimatation et séance d'entrainement à l’escalade sur glace sur un glacier à proximité du refuge.
Et puis le repas du soir : soupe, et pâtes à la viande avec un goût bizarre. Un autre touriste, avec un autre guide, mangeait lui des pâtes bolo qui semblaient délicieuses. Bref, je n’ai mangé que la moitié de l’assiette, mais ça a suffi à me coller l’intoxication alimentaire de ma vie !
Jamais été aussi malade de mémoire ; j’ai passé la nuit entière entre un seau et la cahute, le tout à 4800m d’altitude, et sous la pluie puis la neige. HORRIBLE !!!
Heureusement Tim m’a soutenue toute la nuit, mais du coup le matin on était fracassés tous les deux…
Et là on devait monter au campo alto, à 5100m, pour y passer la soirée avant l’ascension. Ça a été quasi mission impossible : aucune force, je flageolais sur mes jambes, et notre enf**** de guide se marrait ! Il ne reconnaissait pas que c’était son repas qui m’avait rendue malade !
Tim n’était pas tip top, mais assez pour porter toutes les affaires, manger et tenter le sommet.
Moi, arrivée au refuge, je suis allée me reposer, incapable d’avaler quoi que ce soit, et soulagée que cette montée éprouvante soit terminée !Ma nuit a été un peu meilleure que la précédente, mais j’ai encore été malade ; je n’ai même pas tenté de monter.
Pour le sommet je laisse la parole à Tim !
Lever vers minuit et demi, après une courte nuit sans fermer l’œil, pour un départ à 1h30 avec les 5 autres cordées du jour. J’avale dès le réveil un cachet d’aspirine pour contrer le mal de tête qui commence à poindre, effet combiné de l’altitude et de la fatigue accumulée par manque de sommeil. En trois minutes on rejoint le glacier et une fois les crampons aux pieds et encordé à Mario Bros, l’ascension peut commencer.
Environ 4h de marche sur une neige qui porte bien en alternant montées faciles et traversées par une nuit très clémente. Il y a bien quelques passages nuageux accompagnés de bourrasques de neige mais lorsque le ciel s’éclairci la pleine lune dévoile un paysage fantastique. La progression est rapide. Sur la fin on multiplie les pauses pour ne pas arriver trop tôt au sommet ; avec le froid et le vent l’attente jusqu’au lever de soleil sera difficile.
Après un passage un peu raide mais en bonne condition (on ne pose pas de protection) et une ultime traversée on arrive au pied de l’arête finale : toute en neige, étroite et très aérienne, c’est le meilleur moment de l’ascension. On progresse corde tendue sur ces quelques centaines de mètres et nous voilà sur le sommet ! Pas large lui non plus mais assez pour accueillir plusieurs cordées. Pour l’instant il n’y en a qu’une autre : l’anglais Richard et son guide. La vue est splendide ! Le ciel est complètement dégagé, les nuages sont descendus plus bas, mais le vent s’est invité depuis qu’on a pris pied sur l’arête.
Entre deux onglées on prend des photos sous l’éclairage changeant de la lune déclinante puis du soleil levant, rejoints entre temps par une troisième cordée. J’en profite pour sortir mon bout de papier griffonné avant de partir le temps d’une photo dédicacée à Alexia. Je suis heureux d’être arrivé là mais tellement déçu pour Alexia qui n’a pas pu m’accompagner…
Chassés par le froid on attaque la descente. Sur l’arête on croise la dernière cordée (les 2 manquantes ont fait demi-tour) puis le retour est rapide jusqu’au refuge, avec juste quelques pauses photos, sous la lumière du jour cette fois, et malgré un crampon qui casse net peu avant l’arrivée.
En haut, les lumières du quartier d'El Alto, de La Paz en pleine nuit, et la lune éblouissante.
J’ai retrouvé Tim à 7h, quand il revenu, fatigué mais ravi de son ascension !
Le guide de l’autre touriste, très gentil, m’a demandé comment j’allais, alors que « Super -pas super du tout- Mario » continuait à se marrer. Et ce saligaud disait à Tim que c’était mieux que je ne sois pas venue, parce que je l’aurais empêché d’atteindre le sommet…
Crevés et un peu déçus, nous sommes rentrés à La Paz en ayant pris les coordonnées de l’autre guide, qui semblait beaucoup plus pro.
On s’est bien requinqués à coup de bon repas chez Oliver’s Travel, et puis on s’est tâtés :
- Option 1 : partir dans les parcs naturels amazoniens boliviens. Génial dans l’idée mais pas simple en pratique : 30h de bus pour la première ville, et ensuite un accès très compliqué, ou alors un tour opérator avec billet d’avion compris, et promène touriste pendant 3 jours.
- Option 2 : aller au carnaval d’Oruro, fameux dans le pays. Mais là encore, le côté tour organisé avec « garde du corps » pour les touristes ne nous a pas trop branchés.
- Option 3 : tenter un autre sommet !
Les masques pour le carnaval.
C'est évidemment l'option 3 que nous avons choisie ! Nous nous sommes renseignés sur les sommets faisables en cette période, et à part le Potosi, celui qui ressortait était le volcan Sajama, 6542m, le plus haut sommet bolivien, que notre pote Tib avait monté l’année dernière.
On a refait un tour sur son blog…et on a découvert que lui non plus n’avait pas accroché avec « Super Mario » ! Cet incompétent avait proposé de laisser le co-équipier de Tib, qui ne se sentait pas bien, au milieu de la montagne pour pouvoir continuer. No comment…
On avait les coordonnées de l’agence dans laquelle travaillait le guide qui nous avait semblé bien au Potosi, et c’est donc là que nous sommes allés :
. Agence : Andean Base Camp
. Guide : Eulogio Llusco
Nous avons essayé le matériel, de bien meilleure qualité, et nous sommes partis le lendemain pour le petit village de Sajama, à environ 5h de La Paz.
Il y a maintenant une autoroute entre La Paz et Arica, et seule la fin de la route pour Sajama est en terre ; on a quand même réussi à s’enliser sur ce petit chemin ! Notre malchance des transports nous poursuit !
Va falloir pousser les enfants !
Le village situé au pied du volcan est tout petit, très peu fréquenté en cette saison, et ses habitations sont majoritairement composées de briques d‘argile et toit de chaume. Il y a même une très belle église datant du 16ème siècle, elle aussi en terre, et qui tient encore debout !
Pour compléter le décor, la vallée alentour est magnifique, très verte, pleine de lamas, avec les volcans jumeaux Parinacota et Pomerane en arrière-plan, grandiose !
En haut à gauche, les baraques où nous avons dormi ;
En bas, un lama déjanté !
Nous avons passé la nuit dans une chambre sommaire, après un excellent repas d’Eulogio, et nous sommes partis le lendemain pour le campo base, 4700m, au pied du volcan.
En chemin, quelques vicuñas, sorte de petits lamas sauvages (cousins des guanacos de Patagonie !)
Nous nous sommes installés sous le soleil, mais rapidement, la pluie, puis la grêle, ont fait leur apparition !
Campo base.
Le lendemain, nous devions monter au campo alto, à 5700m, et nous étions supposés trouver la neige à 5000m. Mais il avait suffisamment neigé pendant la nuit pour que l’on parte du campo base avec les chaussures d’alpi’ aux pieds !
Finalement la montée dans la neige n’a pas été trop éprouvante, et le temps était plutôt clément.
Là encore, juste après avoir monté le camp, des orages de neige se sont abattus sur nous, et Eulogio nous a dit que cela pouvait compromettre la montée.
Campo alto.
Nous sommes allés nous reposer (sur la neige, et avec cette altitude, pas moyen de fermer l’œil), et à minuit, nous nous sommes équipés. Tout avait gelé, le temps n’était pas parfait, et beaucoup de neige était tombée.
Eulogio a quand même lancé le départ, à notre grand soulagement, vers 1h30, et nous avons attaqué par une montée courte jusqu’à la partie « technique » de l’ascension :
- Un couloir de 120m de long à 55 degrés, à monter au piolet / crampons
- Suivi d’une belle arête vertigineuse.
Évidemment nous étions encordés, et Eulogio nous a dit qu’il n’était pas sûr de pouvoir nous faire monter : difficile de faire des points d’assurage avec toute la neige fraiche.
Le couloir éclairé par la lune ; si, si, je suis debout !
Finalement tout s’est bien passé, et a commencé la partie la plus difficile pour nous : 700m de marche tout droit dans la pente pour éviter de faire partir une avalanche, et très raide.
Très très raide.
Et très haut aussi, on s’arrêtait tous les 20 pas complètement essoufflés ! On voyait un sommet rond au-dessus de nous, qui semblait ne jamais se rapprocher. Et Eulogio nous disait que ce n’était même pas encore ça le sommet !
On est montés au mental, dans la neige molle, jusqu’à 7h30 du mat’.
Et on l’a fait !!!!!!!!
Le sommet est plat, une belle étendue de neige vierge entourée par une mer de nuages qui couvrait toute la vallée. Seuls les sommets du Parinacota et du Pomerane dépassaient.
C’était magique d’être là, sur le toit de la Bolivie !
Le Sajama : la fin de la montée, le sommet (youhou) et la descente sur l'arête.
Puis a commencé la descente, moins physique mais épuisante une fois la pression retombée.
Et le rangement du camp.
Et la descente au campo base, puis jusqu’au village, sous la grêle et la pluie. On est arrivés épuisés, tous nos vêtements humides, mais tellement heureux !
Malgré une pluie battante et la fatigue, Eulogio a réussi à conduire jusqu’à La Paz, presque sans embûche. Presque parce que nous avons crevé, au bord de l’autoroute. Et changer une roue avec des poids lourds qui vous frôlent à 100km à l‘heure, c’est ultra flippant !
Enfin nous avons retrouvé notre petit hôtel à La Paz, nous avons chaleureusement remercié Eulogio, et nous nous sommes couchés. Et au matin, surprise : mon nez et ma bouche avaient triplé de volume, brûlés par le froid, un revival de mon énorme coup de soleil balinais de l’an passé ! Sur le moment Tim semblait épargné, mais quelques jours plus tard...
Musée des horreurs, bonjour !
Pour nous retaper, nous avons mangé comme des ogres, et nous avons décidé de partir vers Sorata, village décrit par le lonely comme l’endroit idéal pour se ressourcer. Parfait !
Sauf qu’en fait, en ce moment, à Sorata, il pleut. Des cordes. Toute la journée ! Alors c’est sûr que pour se reposer, c’est l’idéal…
Nous avons été chanceux, parce que le deuxième jour nous avons eu un « temps de curé », comme dit Tim, comprendre une journée grise mais à peu près sèche.
Comme nous étions très bien installés dans l’hostel Panchita, nous nous sommes motivés pour rester un jour de plus et aller jusqu’à la Gruta San Pedro, à 12 km de la ville, plus pour la balade que pour la grotte elle-même. Normalement le site est accessible en taxi, mais nous avons préféré marcher ; et bien nous en a pris ! La route était boueuse, rapidement impraticable, et des pelleteuses et tractopelles travaillaient pour évacuer des gros blocs de pierre tombés des bas-côtés.
Nous avons trouvé l’entrée plutôt vers 8-9 km, aidés par une petite puce adorable qui revenait de l’école, et nous avons beaucoup aimé !
Cette grotte fait plus de 400m de profondeur, sur une vingtaine de mètres de haut, avec un lac et plein de chauves-souris. Et elle est très bien équipée : échelles, passerelles et éclairage.
On était très satisfaits, alors que le lonely n’était pas très emballé.
Nos amies les bêtes, ça faisait longtemps !
Au retour, on a vécu un truc dingue : d’énormes blocs de pierre roulaient du flanc de la montagne pour venir s’écraser sur la route. Et il fallait bien traverser ! Nous avons attendu une accalmie et nous sommes passés en cavalant, c’était très stressant !
Du coup on a découragé les gens que l’on croisait et qui voulaient aller vers la grotte, pas très safe comme passage.
Forcément c'est vert, avec toute la flotte qu'ils ont !
A droite, j'aime beaucoup l'association santé-cochon-poule sans tête (ils ont des variantes de poules très bizarres avec le cou dégarni et la tête masquée par les plumes...).
Après une autre bonne nuit dans notre petite chambre, nous avons décidé d’aller vers Copacabana, au bord du lac Titicaca. Il pleuvait quand nous sommes allés au départ des minibus, et la Chola qui vendait les billets nous a dit qu’il n’y avait pas de bus direct pour Copacabana, alors qu’elle nous avait dit l’inverse la veille.
« No hay paso », elle nous répétait.
On a donc pris un minibus pour La Paz, qui devait nous arrêter en chemin pour qu’on attrape un autre transport. Et on a compris ce qu’elle voulait dire à la sortie de la ville !! Un pan entier de route était descendu quelques mètres plus bas, et on devait traverser à pied pour échanger de minibus avec les passagers qui arrivaient.
C’était bien tendu de marcher sur cette route éventrée, au milieu de la boue, et avec nos sacs sur le dos ! Hallucinant comme situation !
On a fini par arriver à Copacabana…et on a été super déçus ! La ville est assez jolie, mais c’est touristland : une grande rue touristique à mort, avec restos et cafés comme à la maison, et prix européens.
Nous voulions initialement passer deux jours sur l’Isla del Sol, une île réputée pour ses vestiges incas, mais quand nous avons vu le nombre de bateaux de chamouls qui y allaient, nous avons renoncé.
Du coup, nous sommes partis marcher vers un petit village où l’on espérait manger une bonne truite grillée avant de revenir vers Copacabana, et même ça, c’était un échec ! 20 km de route (certes jolie, avec plein de champs de fleurs) pour arriver dans un bled ou il n’y avait rien, et dont on ne pouvait partir… qu’en transport privé, ultra cher.
On était dégoutés !
Bon, à Copacabana, il y a quand même eu quatre bonnes choses :
- On a trouvé un très bon resto où on est allés se consoler tous les soirs.
- J’ai acheté mon pull de touriste de base (vert et blanc avec des lamas, j’assume !).
- La cathédrale est magnifique, et surtout il y a une tradition : la Bendiciones de Movilidades, la « bénédiction des moyens de transport ». Les gens viennent de tout le pays pour faire bénir leur auto, leur camion ou leur bus. Ils décorent leur machine de fleurs fraiches (d’où les multiples champs autour de la ville), et l’arrosent de Coca-Cola / d’alcool à brûler en faisant éclater des pétards ! Très festif !
- Et la meilleure : nous avons croisé une petite vieille courbée sous le poids d’un énorme sac, et qui tenait une table et un autre sac dans ses bras. Nous lui avons proposé de l’aider à tout porter chez elle, et elle pleurait presque de reconnaissance, c’était un moment très émouvant. Elle nous a serrés dans ses bras et nous a même offert du raisin, pour 5 petites minutes de marche !
Nous avons malgré tout décidé de quitter cet endroit rapidement, et il nous restait une petite semaine avant de voir débarquer toute la clique.
Nous nous sommes décidés pour Arequipa, au Pérou, en essayant d'aller passer quelques jours à la plage, avant de rejoindre Martine, Laurette, Doobs et Laurent (un ami de Laure), à Cuzco.
Nous espérons que les deux mois péruviens seront à la hauteur de ce fantastique mois bolivien !
A très vite pour la suite,
Tim et Alex